Neuropathie périphérique en acupuncture : une Victoire

avril 12, 2024
Stéphane L.

La Formation Supérieure en Acupuncture est une formation qui change la manière de concevoir, de vivre et de pratiquer l’acupuncture et la moxibustion avec au bout des résultats souvent spectaculaires. Cela fait plus de 12 ans que régulièrement je reçois les témoignages de confrères émerveillés par ce qu’ils arrivent à faire grâce à cette approche tout à fait unique. J’ai donc décidé de publier certains de ces témoignages. Celui-ci démontre que l’on peut soigner la neuropathie périphérique en acupuncture.

Il est à noter que l’auteur de ce premier cas clinique, Stéphane L., a obtenu ce résultat remarquable après avoir suivi uniquement la première année de Formation Supérieure en Acupuncture, il a aussi étudié la Formation Supérieure en Pharmacopée Chinoise.

La situation de départ

Janvier 2023 : un patient de 76 ans le consulte pour des troubles diagnostiqués en neurologie comme relevant de neuropathies périphériques, depuis 5 mois. La cause n’étant pas encore identifiée, il n’y a pas de traitement mis en place. Le patient est familier de la médecine chinoise. Il se demande si on peut soigner la neuropathie périphérique en acupuncture.

A l’interrogatoire, les souffrances sont :

neuropathie périphérique en acupuncture
  • Fourmillements, engourdissements, perte de sensibilité, sensation de froid et diminution de la force des quatre membres.
  • Les mains ne peuvent pas se fermer complètement (les doigts ne touchent pas la paume de la main), le patient a une sensation de « doigts fripés » et n’a quasiment aucune sensation tactile au niveau des doigts, ce qui gêne la proprioception. La main gauche est d’avantage touchée que la droite.
  • Les jambes en dessous de Rt 6 (sān yīn jiāo 三阴交) renvoient peu de sensations, la démarche n’est pas assurée ni rectiligne. La personne marche avec difficulté, à l’aide d’une canne, tombe fréquemment, ne peut plus conduire.

En plus de cette plainte principale, les autres manifestations sont :

  • Hypertension artérielle sous traitement mais non stable entre 140/70 mmhg et 170/90 mmhg, mictions fréquentes et impérieuses 20 fois par jour, tendance à faire des bronchites avec glaires toutes les 6 semaines environ, coups de fatigue en fin de matinée et en fin d’après-midi. Le nez est constamment encombré avec production de mucosités collantes blanches.
  • Le sommeil est plutôt court, avec réveil précoce le matin, mais reposant et l’appétit est très bon.
  • A l’examen, le pouls est noué (jié 结) et profond (chén 沉), la langue tend à être légèrement pourpre avec enduit blanc épais et gras.
palpation des méridiens philippe sionneau formation acupuncture
A la palpation des canaux (méridiens), les principaux points à noter sont :
  • Les 3 canaux yīn des jambes sont durs et froids des points yíng-jaillissement (荥) jusqu’aux jīng-fleuve (经), avec une atteinte plus forte à droite (à la 1ère séance, l’aiguille d’acupuncture ne peut pas pénétrer les tissus au niveau de Rn 3 (tài xī 太溪) et se tord !)
  • Les pieds sont moites, avec de nombreux vaisseaux sanguins bleus, violets.
  • Les orteils sont raides, avec une faible capacité de flexion.
  • Le canal shǒu yáng míng 手阳明 présente une coloration noire de la peau au niveau de GI 5 (yáng xī 阳溪) et GI 4 (hé gǔ 合谷) des deux côtés.
  • Le canal zú shào yīn 足少阴 montre une tache noire sur le calcanéum entre Rn 5 (shuǐ quán 水泉) et Rn 6 (zhào hǎi 照海)
  • La zone des lombes est plutôt froide.

Les déséquilibres en jeu

Selon la médecine chinoise contemporaine :

Vide de yáng des reins entraînant un vide de yáng de la rate avec accumulation interne d’humidité et production de mucosités-humidité.

Selon le Shāng Hán Lùn (Traité des lésions du froid) selon l’école des Hú Xī Shù (胡希恕)

Maladie combinée shào yīn 少阴/tài yīn 太阴

Principes de soin :

  1. Tonifier le yáng des reins, soutenir le qì de la rate.
  2. Agir sur shào yīn 少阴 et tài yīn 太阴

En raison des médicaments du patient et de son hypertension artérielle instable, les substances médicinales choisies seront relativement sûres et les doses de départ modérées. Le patient sera vu 3 fois par semaine les 3 premiers mois. Chaque semaine, le patient relèvera sa tension afin de surveiller l’impact éventuel de la pharmacopée.

Premier et deuxième mois

Protocole d’acupuncture :

Comme nous savons qu’il est possible d’aider les patients souffrant de neuropathie périphérique en acupuncture, voici ce qui est mis en place :

La première stratégie du protocole est d’utiliser les points shù-rivière (俞)/yuán-source (原) de canaux yīn, appropriés pour tiédir le yáng, transformer l’humidité et le froid, recommandés pour la lourdeur du corps. De plus, les sensations du patient tendant à varier, cela permettra la stabilisation des troubles pour mieux y travailler.

  • Rt 3 (tài bái 太白) + P 9 (tài yuān 太渊) travaillent au niveau tài yīn en asséchant l’humidité stagnante.
  • Rn 3 (tài xī 太溪) tonifie le yáng des reins ce qui aide la rate
  • F 3 (tài chōng 太冲) est utile pour renforcer les jambes, traiter les obstructions (bì 痹) de type humidité, faciliter la circulation du qì, et aider à réguler l’hypertension artérielle.

La deuxième stratégie est de tenter de traiter les dérèglements des canaux qui ont entrainés des stagnations dans les systèmes de la rate et du poumon, en utilisant les point hé-réunion (合) :

  • Rt 9 (yīn líng quán 阴陵泉) pour favoriser la transformation du qì (affaiblie chez ce patient) et mieux métaboliser l’humidité. E 36 (zú sān lǐ 足三里) pour stimuler la production du qì, donner de la vigueur aux quatre membres.
  • P 5 (chǐ zé 尺泽) pour sa fonction de régularisation du qì dans tout l’organisme. Il est également sélectionné car le patient souffre de toux avec mucosités régulièrement.
  • E 40 (fēng lóng 丰隆) pour sa capacité à dissoudre les mucosités.
  • GI 4 (hé gǔ 合谷) et GI 5 (yáng xī 阳溪) pour aider la diffusion/descente du poumon et agir localement sur les engourdissements, perte de sensibilité, douleur des mains.
  • TF 4 (yáng chí 阳池) pour relancer fortement la circulation du qì dans tout l’organisme. C’est le point yuán-source (原) du trois-foyers où circule le qì originel (yuán qì 元气).

En plus, toutes les semaines, saignée légère des vaisseaux sanguins bleus sur les trajets rate et reins entre Rt 4 (gōng sūn 公孙) et Rn 3 (tài xī 太溪).

A chaque séance, moxibustion indirecte sur RM 6 (qì hǎi 气海), DM 4 (mìng mén 命门) et Rn 1 (yǒng quán 涌泉) pour renforcer le yáng du corps (15 min chaque point)

Fin du premier mois, le patient rapporte de la fatigue après les séances, on abaisse donc à 2 séances par semaine.

Pharmacopée chinoise :

formation supérieure en pharmacopée chinoise

Fú Líng 茯苓 (Sclerotium Poriae Cocos) + Cāng Zhú 苍术 (Rhizoma Atractylodis) + Huáng Qí 黄芪 (Radix Astragali Membranacei) + Dà Zǎo 大枣 (Fructus Zizyphi Jujubae) + Gān Jiāng 干姜 (Rhizoma Zingiberis Exsiccata) + Chuān Jiāo 川椒 (Pericarpium Zanthoxyli Bungeani) + Dǎng Shēn 党参 (Radix Codonopsitis Pilosulae).

Résultats obtenus

A la fin du 1er mois le patient arrive de nouveau à serrer complètement les deux mains. La sensibilité des doigts de la main droite a augmenté. La main gauche reste difficilement flexible et les doigts du pouce, de l’index et du majeur conservent une sensation de doigts fripés avec fourmillements forts. Les tissus des jambes s’assouplissent mais les sensations du patient ne changent pas.

La tension s’abaisse vers 150/80 mmhg et devient plus stable. Les mictions diminuent à une douzaine par jour, l’impériosité demeure.

Le patient revoit son neurologue pour des examens complémentaires. La cause des neuropathies n’est pas identifiée.

Troisième et quatrième mois

bā xié (八邪) FSA - neuropathie périphérique en acupuncture

Le protocole d’acupuncture est conservé avec quelques variantes parfois en cas de présence d’une affection aiguë (bronchite, lombalgie…) par exemple. Pendant 6 séances, la méthode Hôte (zhǔ 客) – convive (kè 客) est appliquée avec GI 4 (hé gǔ 合谷) et P7 sans obtenir d’amélioration sur les doigts de la main gauche. Alors, le praticien choisit de tester les points bā xié (八邪) sur la main gauche.

Un essai de quelques jours est réalisé avec une formule intégrant une puissante plante pour tonifier le yáng. Mais l’hypertension artérielle augmente à 160/90 mmhg et la formule est donc arrêtée.

On passe alors à une formule plus dosée pour agir davantage sur les mictions et le froid dans les jambes, toujours avec prudence :

Bǔ Gǔ Zhī 补骨脂 (Fructus Psoraleae Corylifoliae) + Wǔ Wèi Zǐ 五味子 (Fructus Schisandrae Chinensis) + Huáng Qí 黄芪 (Radix Astragali Membranacei) + Fú Líng 茯苓 (Sclerotium Poriae Cocos) + Dà Zǎo 大枣 (Fructus Zizyphi Jujubae) + Gān Jiāng 干姜 (Rhizoma Zingiberis Exsiccata) + Chuān Jiāo 川椒 (Pericarpium Zanthoxyli Bungeani) + Dǎng Shēn 党参 (Radix Codonopsitis Pilosulae) + Suān Zǎo Rén 酸枣仁 (Semen Zizyphi Spinosae) + Bǎi Zǐ Rén 柏子仁 (Semen Biotae Orientalis).

Le patient prend conscience que lorsqu’il maitrise un peu mieux son esprit, les mictions sont moins impérieuses et qu’à contrario le stress aggrave le problème.

Résultats obtenus

En plus de la main droite, rapidement la main gauche présente une belle amélioration, les 2 derniers doigts sont « presque » normaux, la force des mains revient, seuls le pouce, l’index et le majeur conservent un peu d’engourdissement et de fourmillements. Les pieds ne sont plus moites, les orteils ont gagné en souplesse. La marche est plus assurée, l’équilibre meilleur, avec moins de chutes, le patient recommence à se promener mais toujours pas en ligne droite. Tout cela démontre l’intérêt de la prise ne charge de la neuropathie périphérique en acupuncture.

L’hypertension artérielle se trouve régularisée à 140/90 mmhg depuis plusieurs semaines. Les réveils restent précoces. Les mictions restent impérieuses mais seulement le matin, elles laissent le patient tranquille l’après-midi.

Cinquième et sixième mois

Le protocole d’acupuncture est modifié pour travailler davantage sur l’évacuation des mucosités et la libération du nez avec l’utilisation de P 7 (lìe qūe 列缺) puncturé vers P 9 (tài yuān 太渊).

Le praticien venant d’être formé en moxibustion japonaise grâce à l’excellence d’Alexiane Vinyals Saintespes, un enchainement de 3 cônes d’armoise est fait sur les zones bloquées de la main gauche, notamment sur les canaux shǒu yáng míng 手阳明 et shǒu shǎo yáng 手少阳. Une douleur tenace et supportable est présente depuis quelques semaines entre Rn 5 (shuǐ quán 水泉) et Rn 6 (zhào hǎi 照海), zone précédemment citée comme marquant une obstruction (bì 痹), (une barrette ressort à la palpation, signe de stagnation de qì), elle sera aussi traitée facilement en moxibustion directe sur la zone douloureuse.

L’état étant stable, la progression régulière, la posologie de la pharmacopée est augmentée.

Résultats obtenus

La main droite est complètement récupérée en termes de flexibilité, de sensibilité et même de force mécanique. La main gauche se plie sans restriction, les sensations alternent entre récupération complète de la sensibilité et fourmillements. Puis, les doigts de la main gauche ont complètement récupéré grâce à la puissance de la moxibustion japonaise en 1 seule séance.

L’équilibre est renforcé, le genou droit a tendance à lâcher (rapidement corrigé en 1 séance grâce à V 40 (wěi zhōng 委中), le patient ne chute plus, il recommence à conduire.

L’hypertension artérielle s’est améliorée, elle est autour de 130/80 mmhg, sans mouvement à la hausse et le patient espère que son médecin réduira son traitement prochainement. Les mictions sont réduites à 8 par jour, l’impériosité est réduite au début de journée.

Septième mois

neuropathie périphérique en acupuncture FSA

Le patient revoit son neurologue qui refait les tests presque un an après le diagnostic et lui annonce qu’il est en voie de guérison, sans pouvoir l’expliquer.

Neuvième mois

Le patient continue de recevoir toutes les semaines un suivi en acupuncture, il a repris toutes ses activités et est capable de bucheronner 2h d’affilée à la hache… à l’âge de 76 ans. Il indique avoir récupéré sa pleine puissance musculaire.

conclusion - une victoire sur la neuropathie périphérique

Nous retiendrons plusieurs éléments notables de cet article.

Ce cas clinique montre l’importance d’une fréquence élevée des séances d’acupuncture pour faire évoluer des situations compliquées. La force de la répétition peut changer la donne ! L’acupuncture peut avoir un effet impressionnant, à condition de répéter, répéter, répéter… Dans le Líng Shū, qui nous le rappelons est le texte fondateur de l’acupuncture, la fréquence des séances d’acupuncture en fonction des canaux impliqués est d’une séance tous les 2 jours, ou une séance par jour, ou deux séances tous les jours !!! Assez souvent, l’échec en acupuncture provient de séances trop espacées.

Ce témoignage souligne aussi que beaucoup de patients peuvent avoir de grandes améliorations pour leur santé grâce à un suivi sur plusieurs mois. La médecine chinoise n’est pas de la magie, c’est un art de bien-être qui nécessite de la patience. En outre, cela permet une connaissance de plus en plus fine de l’état de santé du patient. Il faut donc faire comprendre aux personnes qui viennent à nous qu’elles doivent inscrire leur démarche dans le temps long.

Cet exemple montre aussi l’intérêt d’utiliser plusieurs stratégies en combinaison, ici : acupuncture, moxibustion et pharmacopée chinoise. Pour pouvoir répondre au mieux aux situations complexes qu’il rencontre le praticien doit avoir plusieurs cordes à son arc : acupuncture, pharmacologie chinoise, diététique chinoise, moxibustion, massage tuina, etc.

Nous pouvons constater la puissance de la moxibustion quand on utilise les bonnes méthodes, notamment pour débloquer un problème que l’acupuncture n’arrive pas à résoudre. Il existe des approches de moxibustion qui sont rapides, qui génèrent peu de fumée et qui sont souvent d’une efficacité à couper le souffle.

Il n’existe pas de traitement “standard” pour la neuropathie périphérique comme d’ailleurs pour aucune pathologie. La prise en charge dépend des déséquilibres sous-jacents, des syndromes en arrière plan. Ici, visiblement la personne soufrait de vide de yáng avec humidité et mucosité. Sans perdre de vue les plaintes majeures, Stéphane a mis en place une stratégie qui correspond à ce genre de situation. En médecine chinoise, il existe un principe majeur : biàn zhèng lùn zhì 辨证论治 : la différenciation des syndromes pour en déduire le traitement. Il n’y a pas de recette magique, simplement des principes permettant d’adapter les soins aux besoins de la personne souffrante.

Soulignons aussi l’utilité des examens et des métriques de la médecine moderne pour vérifier l’avancée de la guérison. L’avenir est à la combinaison, à l’entraide entre la médecine occidentale et la médecine chinoise. Il faudra bien que les tenants de ces 2 approches de la santé arrêtent de se défier pour à l’inverse s’unir pour le plus grand bénéfice des gens qui souffrent.

Cet article n’a bien sûr aucune volonté de cibler un défaut de la médecine moderne, seulement de mettre en avant les pratiques millénaires de la médecine chinoise transmises au sein de l’Académie Supérieure de médecine chinoise et la Formation Supérieure en Acupuncture dans le seul objectif du bien être des personnes qui cherchent une prise en charge complémentaire pour leur santé.

Bibliographie

Vaincre la douleur par l’acupuncture. Philippe Sionneau (Guy Trédaniel Editeur)
Acupuncture : les points essentiels. Philippe Sionneau. (Guy Trédaniel Editeur)
Traité de phytothérapie chinoise. Philippe Sionneau. (Guy Trédaniel Editeur).